Après des semaines de négociations politiques, le gouvernement De Wever a mis sur la table à la mi-avril l’accord de Pâques tant attendu . Comme nous l’avons souligné aux lecteurs d’Up-to-date dans de précédentes contributions sur l’Accord de Coalition, cet accord est un tremplin vers une première loi-programme. L’avant-projet approuvé contient une série détaillée de mesures fiscales, sociales, économiques et procédurales. Répartis sur environ 300 pages de modifications législatives prévues, environ 500 articles sont en cours de bricolage. L’objectif ultime ? Équilibrer le budget fédéral pour 2025 d’ici l’échéance de juin, date d’expiration du régime des douzièmes provisoires.
Quiconque lit l’accord se pose tôt ou tard la question suivante : s’agit-il d’une réorganisation décisive avec des ambitions structurelles, ou s’agit-il plutôt d’un exercice budgétaire technique ? Un élément ressort : l’augmentation historique des dépenses de défense pour atteindre la norme de l’OTAN de 2 % du PIB. Sous l’influence du contexte géopolitique, le gouvernement est rapidement passé d’un cabinet de réforme à un cabinet de défense. En témoigne, entre autres, la décision d’accorder une contribution exceptionnelle à la « banque d’État » Belfius : pour l’exercice 2024, 84 % du bénéfice net ira au Trésor public pour financer la Défense. Une contribution similaire est également prévue pour 2026.
Sur la base des informations disponibles et divulguées, nous passons brièvement en revue les mesures les plus frappantes de l’accord de Pâques. Une remarque importante s’impose ici : pour l’instant, il s’agit d’un avant-projet de loi ; L’ensemble du processus législatif doit encore être mené à bien. Des ajustements ne sont donc pas exclus avant l’approbation attendue de la loi-programme, peut-être à l’approche de l’été. Pour ceux qui souhaiteraient avoir plus d’informations sur le contexte et l’origine de certaines mesures, nous vous renvoyons à nos précédents articles sur l’Accord de coalition.
L’annonce du retour de régularisation fiscale
L’un des éléments marquants de l’accord de Pâques est la réintroduction d’une procédure permanente de régularisation fiscale. Ceux qui souhaitent déclarer des revenus ou des capitaux du passé peuvent le faire sous réserve du paiement du taux normal d’imposition, majoré de 30 points de pourcentage. Un taux fixe de 45 % s’applique aux capitaux prescrits fiscalement. La réduction de l’amende de cinq points de pourcentage annoncée dans l’accord de coalition pour ceux qui peuvent prouver leur bonne foi ne semble pas avoir été retenue au final.
En outre, il y aura à nouveau un système permanent de régularisation sociale. Les indépendants qui souhaitent régulariser leurs revenus professionnels non déclarés et qui n’ont pas acquitté de cotisations de sécurité sociale sur ceux-ci pourront prendre des dispositions à cet effet.
Déduction DTI : confirmation, resserrement et ajustement européen
La déduction pour revenu définitivement imposé (DTI) permet d’éviter la double imposition sur les dividendes en exonérant les bénéfices qui étaient déjà imposés à la filiale au niveau de la société mère. La condition est que la société mère détienne au moins 10 % du capital ou qu’elle ait une participation d’au moins 2,5 millions d’euros. Alors que l’accord de coalition prévoyait une augmentation à 4 millions d’euros pour les grandes entreprises, la facture reste bloquée au seuil de 2,5 millions. Cependant, l’application sera renforcée : dans le cas des entreprises non petites, la participation doit désormais être enregistrée en tant qu’immobilisation financière, ce qui implique un lien durable avec la filiale.
Un changement important concerne la contribution de groupe. Jusqu’à présent, la partie d’un apport de groupe qui excédait le résultat négatif de la société déficitaire était exclue des déductions fiscales telles que la déduction du dividende reçu. Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que cette exclusion est contraire à la directive mères-filiales. L’Accord de Pâques modifie la loi : désormais, la déduction du dividende perçu est également possible sur la partie excédentaire de l’apport de groupe.
Enfin, deux mesures sont introduites dans le cadre de la réforme du régime des SICAV : un impôt de 5 % sur les plus-values exonérées à la sortie, et une limitation de la déductibilité du précompte mobilier aux sociétés qui répondent à la norme majorée de rémunération des dirigeants (50 000 euros, avec indexation annuelle). Ces règles s’appliquent à partir de l’exercice d’imposition 2026.
L’intéressement différé bénéficie d’un cadre fiscal
Le carried interest est une forme de rémunération liée à la performance pour les gestionnaires de fonds, dans le cadre de laquelle ils reçoivent une part des bénéfices lorsqu’ils obtiennent des rendements prédéterminés, même s’ils n’investissent eux-mêmes qu’un capital limité. La Belgique dispose désormais d’un cadre juridique pour son traitement fiscal : le carried interest sera imposé à 25 % comme un revenu mobilier.
L’exit tax clarifie : impact aussi sur les actionnaires
Lorsqu’une entreprise émigre, une fiction fiscale est appliquée : la société est réputée avoir vendu ses actifs et réglé ses dettes, ce qui donne lieu à un impôt sur les plus-values – ce que l’on appelle l’exit tax. Jusqu’à présent, l’incertitude régnait quant aux conséquences pour les actionnaires. La nouvelle disposition légale apporte de la clarté : à partir du 1er juillet 2025, les actionnaires seront également réputés avoir perçu un dividende fictif lors de l’émigration de l’entreprise, avec les implications fiscales qui en découlent.
Il y a beaucoup de petites choses qui en font une grande : l’élimination progressive des avantages fiscaux
À partir de l’exercice fiscal 2026, plusieurs avantages fiscaux disparaîtront ou seront réduits. Par exemple, les intérêts hypothécaires d’une résidence secondaire ne seront plus déductibles et les plafonds d’impôt, tels que ceux de l’épargne à long terme (2 450 €) et de la tranche de dividende exonérée d’impôt (833 €), seront gelés. Le gel similaire de l’épargne-pension sera reporté à l’année fiscale 2027.
De plus, la réduction d’impôt pour les dépenses d’économie d’énergie sera totalement supprimée, tout comme celle pour l’assurance protection juridique. La déductibilité fiscale des pensions alimentaires sera progressivement réduite de 80 % à 50 %, avec une régularisation équivalente du côté des bénéficiaires. Pour les paiements à des bénéficiaires en dehors de l’EEE, tant la déduction que l’imposition en Belgique disparaîtront. La réduction d’impôt sur les dons passera également de 45 % à 30 %.
Enfin, la taxe d’embarquement pour les compagnies aériennes augmentera à partir du 1er juillet 2025 : les tarifs existants de 2 € et 4 € seront portés à 5 € par passager.
Les frais d’enregistrement pour l’acquisition de la nationalité augmentent fortement
Ceux qui veulent devenir belges devront bientôt payer beaucoup plus cher pour cela. Les frais d’inscription pour les démarches d’acquisition de la nationalité belge passeront de 150 € à 1.000 € à partir du 1er juillet 2025. Ce montant sera également indexé annuellement.
Le fisc : plus humain dans la mesure du possible, plus strict si nécessaire
L’accord de Pâques introduit une politique à deux vitesses pour les autorités fiscales : plus souple pour ceux qui agissent de bonne foi, plus stricte lorsqu’il y a un risque d’abus. Les majorations d’impôts en cas d’erreurs sans mauvaise foi disparaîtront, tandis que les délais d’imposition seront affinés : trois ans pour les dossiers standards, quatre ans pour les déclarations complexes et sept ans pour les indices de fraude.
Dans le cadre de la taxe sur les valeurs mobilières, il y aura une disposition anti-abus modifiée à partir du 1er juillet 2025, après l’annulation antérieure par la Cour constitutionnelle. Les conversions ou les transferts d’instruments financiers sont désormais présumés abusifs, à moins que le détenteur ne puisse démontrer d’autres motifs légitimes. Les intermédiaires et les représentants responsables belges sont tenus de déclarer ces transactions pour des valeurs supérieures à 1 million d’euros, sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 2.500 €.
La transparence fiscale sera encore renforcée grâce au Point de contact central (CAP) : les banques devront désormais déclarer leurs données par compte, ce qui rendra plus visibles les divisions artificielles, y compris dans le cadre de la taxe sur les titres. Les comptes crypto sont également soumis à l’obligation de déclaration. En outre, il y aura un cadre juridique pour l’exploration anonyme des données, afin de détecter plus efficacement les modèles et les fraudes.
Enfin, l’accord prévoit également des simplifications administratives, notamment une déclaration d’impôts plus conviviale.
Fiscalité automobile : régime transitoire étendu pour les hybrides
À partir du 1er janvier 2025, la période transitoire pour les avantages fiscaux des véhicules hybrides sera prolongée.
Déduction pour investissement assouplie et élargie
Le gouvernement assouplit la déduction pour investissement sur plusieurs fronts. Désormais, la déduction de base sera définitivement transférable dans le temps. Le taux de la déduction thématique sera harmonisé à 40 %, tant pour les PME que pour les grandes entreprises. Enfin, l’interdiction de cumuler avec les subventions régionales sera supprimée, ce qui augmente considérablement l’accès aux incitations fiscales.
VVPR-bis et réserve de liquidation sur la même page
L’Accord de Pâques prévoit une meilleure coordination entre le système VVPR-bis et le régime de réserve de liquidation, qui offrent tous deux des paiements de dividendes fiscalement avantageux aux petites entreprises.
Désormais, le délai d’attente pour la réserve de liquidation sera réduit de cinq à trois ans afin d’encourager les contribuables à verser les réserves de liquidation qui ont été créées précédemment.
Doublement du crédit d’impôt pour les travailleurs indépendants
À partir de l’exercice d’imposition 2026, le crédit d’impôt sur les ressources propres des indépendants sans entreprise sera doublé : de 10 % à 20 %, avec un maximum de 7 500 €.
À la recherche d’un taux d’emploi plus élevé
Les allocations de chômage seront limitées à un maximum de deux ans, à l’exception de la formation aux soins. Pour les personnes handicapées de longue durée, la politique de réinsertion « Retour au travail » sera renforcée, avec des responsabilités partagées entre les employeurs, les médecins, les caisses d’assurance maladie et les salariés.
Les coûts salariaux diminueront de 1 milliard d’euros grâce à des réductions ciblées des cotisations patronales, tant sur les bas que sur les hauts salaires. L’abattement pour les revenus flexi-job passera de 12 000 € à 18 000 € (indexé) en 2025.
Après l’augmentation à 650 heures de travail étudiant, le gouvernement fédéral relève maintenant le plafond des moyens de subsistance nets des enfants à charge à 12 000 €. Les étudiants peuvent également gagner jusqu’à 6 840 € grâce à leurs travaux étudiants, sans que cela ne soit pris en compte. Dans le même temps, les conditions deviennent plus strictes : les personnes bénéficiant d’un salaire décent et celles qui ont un emploi ne peuvent plus être considérées comme des personnes à charge, et les bourses de doctorat sont désormais également considérées comme un moyen de subsistance.
Un régime d’expatriation plus attractif à partir de 2025
Afin d’attirer les talents internationaux, le régime des expatriés sera assoupli à partir de l’année de revenus 2025. L’abattement fiscal passera de 30 % à 35 % du salaire brut annuel et le plafond de 90 000 € sera supprimé. Dans le même temps, la rémunération minimale pour l’accès au dispositif sera réduite de 75 000 € à 70 000 €.
Retraites : les bonus disparaissent, les cotisations parafiscales augmentent
L’accord de Pâques mettra en œuvre diverses réformes des retraites à partir de 2025 et 2026. L’actuel bonus de retraite (bonus Lalieux) disparaîtra fin 2025 et sera remplacé par un système moins favorable : ceux qui travaillent plus longtemps que l’âge légal de la retraite verront leur pension augmenter de 2 à 5 % par an.
La cotisation Wijninckx pour les pensions complémentaires les plus élevées passera de 3 % à 12,5 % en 2026, tandis que l’indexation de ces pensions restera limitée jusqu’en 2029. La contribution de solidarité sera également doublée : de 2 % à 4 % pour les capitaux de prévoyance supérieurs à 150 000 €.
Enfin, à partir du 1er juillet 2025, les indépendants qui atteignent l’âge légal de la retraite peuvent continuer à accumuler des droits à pension complémentaires, même s’ils continuent à travailler.
Le taux réduit de TVA de 6 % pour la démolition et la reconstruction deviendra permanent, mais sera limité aux projets ayant une fonction de résidence principale, de location sociale ou de surface habitable limitée.
Les installations de chauffage aux combustibles fossiles sont explicitement exclues du taux de 6 % pour les rénovations de logements de plus de dix ans. En outre, le taux de TVA sur les combustibles fossiles tels que le charbon passera de 12 % à 21 %.
L’annonce de l’impôt sur les plus-values sur les actions, qui a récemment fait l’objet d’âpres discussions parlementaires, sera reportée à la fin de l’été.
L’Accord de Pâques lui-même est un exercice complexe fondé sur des politiques qui a de vastes implications. Dans les mois à venir, les lecteurs de Up-to-update pourront compter sur une analyse approfondie de la législation finale et de ses conséquences pour différents secteurs et groupes cibles. Dès que les textes finaux seront disponibles, nous vous fournirons une explication détaillée.